01.06. Introduction du livre de M. Jutier : Brut de Décoffrage. Version 1.05.

Début 1992, quand je commençai à réfléchir au livre que j'allais écrire afin de contribuer à imaginer et à construire un nouveau modèle philosophique qui remplacera au siècle prochain le modèle néo-ultra-libéral de notre civilisation en déclin, je comptais écrire un chapitre sur l'histoire de l'économie, un sur la philosophie occidentale, un sur la spiritualité et la philosophie orientale, un sur l'histoire des mathématiques et des sciences physiques, un autre sur l'écologie, sur la critique de la société de consommation, sur les situationnistes, sur le Club de Rome... bref dans 20 ans j'y serai encore. Alors comme la vie est courte, que je n'aime pas rester devant un écran cathodique trop longtemps et que j'ai envie de voir les choses "bouger", j'ai décidé de publier un document interactif et évolutif qui, je le souhaite, sera augmenté dans ses prochaines versions de

tes commentaires, suggestions et notes de lecture.

jutier@planete.net

Le but de ce document est triple :

Premièrement, donner des éléments pour une meilleure compréhension du monde moderne -- plus particulièrement du monde occidental et de son modèle économique (le libéralisme).

Deuxièmement, montrer que ce modèle est devenu obsolète, hypocrite, absurde, ridicule et dangereux pour la survie de l'humanité et de la planète.

Troisièmement, rassembler et proposer d'autres voies d'organisation sociale et sortir du conditionnement qui consiste à croire qu'il n'existe rien d'autre que les deux modèles, le libéralisme et le totalitarisme.

Ce document est un mélange de créations, de commentaires et d'extraits (de livres, de revues et de fanzines), une suite de paragraphes numérotés et discontinus. À l'image du cerveau humain et de ses réseaux de neurones, cet ouvrage n'est pas linéaire, c'est plutôt un ensemble de paragraphes reliés parfois à plusieurs autres. À toi de faire les liens et de remplir les cases.

Pourquoi se lancer dans une telle aventure ?

Parce que si nous continuons à nous voiler la face, le monde que vont habiter nos enfants ne sera que pauvreté, désolation, violence, pollution, surpopulation etc. J'entends souvent dire " de toute façon on ne peut rien faire ; alors essayons d'en profiter tout de suite ". Certes on ne peut pas changer le monde en un clin d'oeil, mais il est irresponsable de ne pas essayer de l'améliorer.

Tu trouveras une version complète du livre dans toutes les librairies ou en devenant membre de l'association AHIMSA. Pour 100 F.F., tu seras donc propriètaire sur Jupiter d'un vaste domaine, tu deviendras membre de l'association prestigieuse AHIMSA pour l'année en cours et tu seras détenteur d'une copie du précieux ouvrage dédicacé par l'auteur cela va sans dire :

Carnet de route d'un jeune iconoclaste:

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01.09. Consommation synonyme de bonheur.

Consommer est le nouveau devoir du citoyen moderne. Mais consommation est-il synonyme de bonheur ?

Tous ces produits nous apportent-ils, excepté l'image de bonheur véhiculé sur l'écran cathodique télévisuel, un authentique bonheur ? Ce gaspillage des ressources naturelles et des matières premières ne mène telle pas plutôt à une catastrophe écologique, à un suicide collectif ? Bien sûr, je pourrais continuer de fermer les yeux, d'essayer de gratter le plus de pognon possible sur le dos de mon voisin et d'exploiter la connerie humaine en cherchant à créer et à vendre de nouveaux produits qui répondent à des besoins nouvellement créés.

Grâce à cet argent je pourrais m'acheter une nouvelle voiture et une télévision haute définition ; mais le soir en regardant les nouvelles, j'aurais honte de mon insouciance, de mon égoïsme. Je ne veux plus gaspiller, polluer et oublier l'enfer que vivent les enfants des bidonvilles de Rio, l'enfer que vivront les générations qui nous suivent. La consommation et la production effrénée de marchandises sont des crimes contre l'humanité. Les gens sont conditionnés à penser qu'ils doivent gagner leur vie à la sueur de leur front, nos ethnologues définissent de travail comme synonyme de progrès.

Il faut sortir du paradigme économique dans lequel nous nous sommes cloisonnés, repenser les bases philosophiques de notre société, notre vision uniquement matérialiste du monde et peut-être même réapprendre à vivre et à échanger.

01.21. Excursions dans le Quartier latin, chez les iroquois et au Tibet.

À cinq ans déjà je voulais faire la révolution. En mai 68, nous habitions le sud de Paris et mon père, dont ma mère disait que c'était un révolutionnaire en chambre car il avait beaucoup d'écrits communistes et socialistes, allait comme tout le monde faire quelques excursions dans le Quartier latin. Bien sûr cela devait laisser quelques traces dans mon esprit, car on me rapporta par la suite que je voulais emmener mes petits camarades sur les barricades. Qui sait ? Peut-être, ai-je vécu une de ces révolutions qui a secoué le XIXe siècle...

En 1977 nous partîmes ma mère mon frère et moi à Montréal. Le Québec était entre autres le territoire des Iroquois, c'est donc le territoire de mes ancêtres car le grand-père de ma mère était iroquois. Le Québec, comme le reste de l'Amérique du Nord, fut conquis et son environnement est en voie de destruction par la civilisation judéo-chrétienne blanche d'Europe. C'est encore un beau pays, même si les forêts sont systématiquement rasées pour produire le papier nécessaire à la publication des milliards de pages de "pub" diffusé sur tout le continent nord-américain et qu'il n'y a plus de poissons dans des milliers de lacs à cause des pluies acides. Je devins donc un Nord américain.

À 15 ans, fort impressionné que j'étais par un ami de ma mère physicien et probablement, comme dirait un "psy", pour faire plaisir à ma maman, je décidais de devenir physicien.

À 19 ans j'entrai donc étudiant à l'Ecole Polytechnique de Montréal en pensant naïvement que la recherche en physique allait m'apporter le bonheur, intellectuellement tout au moins. Je me rendis rapidement compte qu'à l'évidence, une école d'ingénieur n'était pas faite pour acquérir un noble savoir mais plutôt pour acquérir un statut social, ce que je n'avais absolument pas compris au départ. Cette contradiction, entre ma quête naïve de la vérité sur le fonctionnement de l'univers et le but d'une école d'ingénieurs qui est de former les serviteurs et/ou créateurs d'une société qui me dégoûtait de plus en plus -- la société de consommation ultralibérale -- me fit presque déprimer. À vingt-trois ans en dernière année, le cours de marketing m'ouvrait les yeux sur la dure réalité du " marché " et de sa seule mine inépuisable " la connerie humaine ". Les cours de gestion, de macro-économie etc. me fit comprendre que le capitalisme était une imposture. Il n'y avait donc, finalement, que la recherche du profit qui comptait ici bas ! Un de mes profs répétait souvent : " le nerf de la guerre c'est l'argent ! ".

Cette année la, après avoir découvert que la société ou plutôt la civilisation dans laquelle je me trouvais ne correspondait définitivement pas à ma vision du monde, j'eus la chance de faire une rencontre. Pour une fois, je rencontrai – lors d'une conférence -- un être qui ne parlait pas uniquement de connaissances mais aussi de valeurs. Il parlait plus à mon cœur qu'à ma tête, il n'essayait pas de me vendre quelque chose et de toute façon je ne le comprenais pas directement car il parlait en tibétain. Cette rencontre changea bien évidemment ma vie.

En 87, j'eus l'occasion et la chance d'aller au Tibet. De 86 à 90, je travaillais à Montréal puis à Paris comme ingénieur commercial en informatique. Depuis, je voyage en Asie (Népal, Tibet, Inde, Indonésie, Thaïlande, Birmanie), je prends des photos, je médite, je lis, j'écris et je tente de survivre. J'ai très peu de besoins, je n'achète pratiquement rien (aucun produit marketing), je fais mes courses dans un supermarché bio, je suis végétarien à 95%, je n'en suis pas plus malheureux et surtout je suis en bien meilleure santé.

01.27. L'activisme.                   Activisme non-violent

Début 1990, je travaillais comme commercial grands comptes chez EGT. Société simulacre du capitalisme à la française, filiale de France télécom. Ce fut une expérience amusante. Ma véritable fonction sociale était de distraire des acheteurs professionnels qui avait l'air de s'ennuyer sérieusement, enfermés qu'ils étaient dans leur tour de verre et de métal. Encore une hypocrisie de notre société, être obligé, pour communiquer, de vendre toutes sortes d'objets dont nous nous passerions volontiers. De toute façon, le commercial est l'expression même de la part maudite, c'est le fantassin de la guerre économique, c'est aussi le maillon essentiel du capitalisme. Bon, ils ont vite compris, mes chefs, j'ai du mal à jouer la comédie plus de quelques mois, que je n'avais pas l'intention de devenir caporal ni même caporal chef.

Bref, mi-avril 90, je me retrouvais au chômage et... pas mécontent. C'était le printemps, mon compte en banque était bien garni et j'allais toucher un confortable chômage. J'avais donc tout le temps devant moi pour faire ce que j'avais vraiment envie.

Le 22 avril 90, c'était la première fois que l'on célébrait le jour de la terre à Paris, il y avait foule du Trocadéro à l'école militaire, des stands partout. On croyait presque qu'avec tous les gens de bonne volonté qui étaient là, l'avènement d'une terre nouvelle n'était pas loin. Je rencontrai deux personnes qui m'invitèrent à les suivre pour aller voir le Dalaï-lama à Bruxelles. Le lendemain, nous partîmes. Quand le Dalaï-lama est entré dans la salle, on devait être près de 3000 à se  lever. Pendant la conférence, je suis resté collé dans mon fauteuil, fasciné par cet homme qui parlait si simplement de chose si vraies et avec une décontraction que l'on aurait cru être dans son salon en train d'écouter un ami qui sirote une tasse de thé. Bref, on est resté quelques jours en Belgique et de retour à Paris, réunion générale au Cluny. Précisons, évidemment, que l'enseignement du Dalaï-Lama était spirituel et non pas politique. A 20 ou 25 personnes, nous avons fondé France Tibet. Voilà, en gros, comment je suis devenu, pour mon plus grand bonheur, activiste. 

01.35. Don Quichotte.

Bon, je ne vais pas te raconter tous les détails de ma vie. Après quelques temps, j'ai vite compris que la " Realpolitic " occidental, française ou autre n'avait rien à faire du problème tibétain. Que derrière les " belles paroles " sur les droits de l'homme se tapissait bien sûr le " business " et qu'il était plus important de sauvegarder " nos emplois ", d'exporter " nos produits " et surtout, pour une " certaine élite ", de faire beaucoup d'argent que de sauver un peuple et une culture d'un génocide. Bref, la folie de la logique ultralibérale n'a pas le moindre soupçon d'éthique et ceux qui dans ce système jouissent d'un certain pouvoir sont souvent beaucoup plus préoccupés de leur propre intérêt et de celui des lobbies qu'ils représentent que d'un quelconque intérêt collectif. Le Don Quichotte que je suis peut-être, pour donner un sens à son existence autre que celui de survivre et de se reproduire, se devait de faire quelque chose de positif.

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