94.02. L'AMI public Numéro 1

Depuis 1995, au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 29 pays des plus riches du monde sont en train de mettre secrètement au point un accord qui risque de bouleverser les démocraties telles que nous les connaissons aujourd'hui.

L'AMI public Numéro 1 ???

Il s'agit de l'Accord Multilatéral sur l'Investissement (AMI), dont les prérogatives sont relativement simples; L'objectif de l'accord est d'étendre le programme de déréglementation systématique de l'OMC aux quelques secteurs vitaux non encore concernés : la localisation et les conditions de l'investissement dans l'industrie et les services, les transactions sur les devises et les autres instruments financiers tels que les actions et les obligations, la propriété foncière et les ressources naturelles...

En termes clairs les gouvernements signataires ne pourront plus s'opposer au dictât des entreprises transnationales désireuses de s'implanter sur leur sol. Autrement dit, la commune qui veut sous-traiter son réseau d'eau potable par une société d'économie mixte, gérée démocratiquement, devra systématiquement la mettre en concurrence avec les multinationales, souvent étrangère, sous peine de verser des dommages et intérêts à celles-ci.

Un complot international

Les tractations pour la constitution de ce texte ont été faites par les gouvernements internationaux à l'insu des législateurs et des citoyens. En France, le président de la commission des affaires étrangères de l'Assemblée nationale, M. Jack Lang, pourtant directement concerné, déclarait en décembre 1997 : " Nous ignorons qui négocie quoi au nom de qui..." (Intervention à la conférence-débat sur Mondialisation et démocratie : les dangers de l'Accord multilatéral sur l'investissement " à l'Assemblée nationale, le 4 décembre 1997.). A la lecture du projet d'accord, on comprendra aisément pourquoi tout ceci a été autant entouré de secret.

Aucune contre-partie aux obligations de l'état...

Le Super-Germinal

La première particularité de l'accord est que toutes les obligations sont supportées par les états. Aucune obligation sur quoi que ce soit n'est faite aux "investisseurs" -les entreprises transnationales.

Par exemple, et ceci est un des points les plus dangereux de l'accord, les investisseurs peuvent demander des dommages et intérêts aux états signataires si elles n'obtiennent pas, du fait des politiques locales, de retour sur investissement. Ceci est implicitement indiqué dans la clause de la &laqno; protection contre les troubles ". Les gouvernements sont responsables, à l'égard des investisseurs, des &laqno; troubles civils ", pour ne rien dire des &laqno; révolution, état d'urgence ou autres événements similaires ". Cela signifie qu'ils ont l'obligation de garantir les investissements étrangers contre toutes les perturbations qui pourraient diminuer leur rentabilité, telles que mouvements de protestation, boycottages ou grèves. De quoi encourager les gouvernements, sous couvert de l'AMI, à restreindre les libertés sociales. Cela implique notamment une limitation certaine du développement des libertés et acquis sociaux, mais aussi un alignement sur le plus bas des niveaux sociaux, par exemple du droit de grève. Cela peut aller jusqu'à la dénonciation des droits élémentaires des consommateurs.

Plus d'aide pour les plus forts

Autre aspect limitant le pouvoir des élus nationaux, la dénonciation des aides aux secteurs et régions en difficulté. Les diverses aides versés par l'état, les régions ou encore l'Europe pourraient être dénoncées ou provoquer d'immenses procès, dans le sens où elles sont de nature à donner un traitement préférentiel aux entreprises locales, au détriment des géants de la finance internationale.

Adieu les droits de l'homme

Il sera aussi interdit de favoriser tel ou tel pays pour don développement particulier. Ainsi, les aides aux pays en voie de développement, mais pire, le boycott des investissements provenant de pays ne respectant ostentatoirement les droits de l'homme seront prohibés. Si l'accord avait été signé il y a seulement quelques années, Nelson Mandela serait encore dans les geôles de l'apartheid.

La fin des états souverains

Enfin, L'accord donnera en effet aux entreprises et investisseurs privés les mêmes droits et le même statut que les gouvernements nationaux pour faire appliquer ses clauses. En particulier celui de poursuivre les gouvernements devant les tribunaux de leur choix. Parmi ceux-ci figure le jury arbitral de la Chambre de commerce internationale !

 

Cet article est tiré de celui de LORI M. WALLACH, paru dans le monde diplomatique du mois de février 1998.

http://www.volute.qc.ca/villagio/planete/

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