99.42. Discours à l' AGN du MEI  le 6 novembre 1999

Je me présente à la présidence du mouvement écologiste indépendant non pas parce que je ne suis pas d'accord avec Antoine Waechter -- bien au contraire, nous sommes d'accord sur l'essentiel des bases de l'écologie politique -- et je rajouterais même que j'ai beaucoup de respect pour sa sincérité et son intégrité, mais plutôt parce que je pense que pour toucher la génération Française montante il faut de nouvelles têtes.

Je n'ai vraiment pas un parcours classique. Mais cela n'a bien sûr rien d'étrange pour un écologiste, tous ici nous sommes en rébellion contre la technocratie néo-libérale qui écrase les hommes et détruit la nature. En quelques mots, je suis né à Paris en 1962, j'ai ensuite déménager à Montréal en 1977, j'ai fait mes études à l'école polytechnique de Montréal, j'ai travaillé à Montréal puis à Paris comme ingénieur commercial en informatique, après un différent avec un directeur commercial je me suis retrouvé au chômage et constatant l'absurdité et l'hypocrisie du monde moderne je décidais en 1992 d'entrer définitivement en résistance. J'ai milité et je m'active encore pour la cause tibétaine. J'ai fait plusieurs longs voyages en Asie.

Pourquoi avons nous choisi d'être écologiste ?

Probablement parce que nous faisons partie de l'élite la plus lucide de ce pays et que nous savons fort bien que le modèle de société dominant c'est-à-dire l'économie politique est devenu non seulement caduque mais aussi absurde et dangereuse pour la survie de la vie sur cette planète. En notre for intérieur, nous savons bien que nous avons fondamentalement raison. Mais nous savons aussi que nous allons devoir nous battre pour imposer nos idées car comme disait Heidegger les nouvelles idées sont d'abord considéré comme ridicule, elle rencontre ensuite une opposition farouche et finissent par devenir évidente pour tout le monde à condition qu'elles soit bonnes, bien entendu.

Et les bonnes idées ce n'est pas ce qui nous manque au MEI !

Je crois que les idées écologistes ne sont plus considéré par les Français comme irréalistes et c'est bien pour cela que je dis que nous allons devoir nous battre, car l'ordre néo-libéral technoscientiste de consommation, avant de mourir, va fort probablement résiter. Le combat ne sera pas facile ! Mais c'est un combat juste ! Et pour mener ce combat nous devons rassembler les hommes et les femmes de bonne volonté.

Les Français sont trop nombreux pour que chacun puisse dire ce qu'il veut sur un certain nombre de problèmes clés. Alors ils vont voter. Mais pour qui ? Il faut bien qu'ils se tournent vers les partis qui existent. Or, pour le moment, qu'il s'agisse des partis de droite, du centre ou de gauche, leur pauvreté est la même. Grosso modo, même si c'est un peu trop facile de dire ça, ils sont aussi peu créatifs, aussi peu inventifs les uns que les autres. Considérons alors un citoyen critique, qui aurait des idées, qui serait vraiment contestataire tout en ayant des idées généreuses. Pour qui va-t-il voter ?

Je connais des tas de gens qui ne votent pas du tout. Parmi les étudiants, c'est fréquent. C'est pourquoi, je crois qu'ils nous faut retourner sur les campus universitaires, distribuer notre charte et parler avec les étudiants. Bref, les convaincre qu'ils existent de vrais solutions d'avenir, réalistes et concrètes.

Le culturel est bien plus profond que le politique, derrière des politiques apparemment différentes, on retrouve le même fond culturel. Prenons simplement l'exemple de la technique, de l'efficacité. La gauche, la droite, les anciens pays socialistes et les pays dits libéraux, tous ont eu ou ont finalement le même culte de la technique. La culture, c'est l'ensemble des grands choix qui structurent la vision du monde, la vision de la société, la vision des autres hommes. Or, on voit bien que tous ces grands choix sont beaucoup plus profonds que les choix politiques. Pour le dire autrement, la technocratie est l'aboutissement d'une tradition qui n'est pas une tradition seulement politique, mais une tradition culturelle. Depuis le Moyen-Âge, l'Occident a laissé le pouvoir aux marchands qui eux-mêmes se sont énormément servis des ingénieurs et de ce qu'on peut appeler la révolution technique. Cela rejoint presque une sorte de psychanalyse collective. On peut dire que l'Occident a été complètement fasciné et possédé par le mythe de la machine, par le fantasme de la mécanique. Les médecins ont mis au point une sorte d'ingénierie médicale. De même, depuis des siècles, on a conçu la société comme une sorte de grande mécanique. Saint-Simon explique qu'une société est une usine, et qu'il faut la gérer comme une usine. Le peuple, pendant des décennies et des décennies, s'est vu donner des leçons de mécanique et a fini par assimiler toutes les réalités -- que ce soit l'homme, la société, le monde ou la vie en général -- à de la mécanique. Il ne faut donc pas s'étonner que cela donne une technocratie. Technocratie qui peut avoir des formes de gauche tout comme des formes de droite. Dans son livre "La machine et les rouages", Michel Heller identifiait expressément les citoyens de l'Union Soviétique à des rouages. En occident on est également convaincu que la société n'est qu'une mécanique et que l'on peut, comme le voulait Ernest Renan, fabriquer des gens qui ne seront peut-être pas des ingénieurs au sens strict, qui n'auront pas forcément appris le calcul intégral, la physique et la chimie, mais qui auront l'esprit scientifique, rationnel, et qui pourront gérer "rationnellement" la société. Ça a donné l'École Nationale d'Administration...

Ce que j'essaie de dire par là, c'est qu'on risque de se laisser duper si l'on pense que le débat est seulement politique et si l'on oppose, chez nous, des Juppé et des Jospin. Ce qui est en cause, c'est une longue tradition culturelle qui conduit à la technocratie, ou pour prendre un exemple simple, au culte des experts. Tout cela contaminé par la domination de l'économie, conduit à des idées qui font que les gens de gauche comme les gens de droite trouvent normal, pour régler le problème des banlieues, par exemple, de raisonner en termes policiers, administratifs et financiers. On entend dire qu'il faudrait faire un "plan Marshall des banlieues". C'est d'une pauvreté humaine incommensurable ! Il faut bien voir que cela ne relève plus simplement de choix politiques mais d'une tradition profondément implantée dans nos habitudes et nos moeurs. Les grands partis politiques ne font jamais que proposer des variantes de technocratie. Il n'existe pas de partis qui donneraient la parole justement à ceux qui sont peut-être des rebelles, des résistants, qui voudraient inventer autre chose.

Quant à l 'efficacité de petits partis constitués de quelques centaines d'adhérents, je ne crois pas que ce soit réellement la quantité qui compte. J'en connais même un qui a réussi avec seulement douze...!

Notre combat, donc, est avant tout un combat culturel. Nous devons démontrer que les bases métaphysiques de notre civilisation sont fondamentalement erronées et que si elles ont pu en leur temps avoir une certaine efficacité, elles sont maintenant caduques, absurdes et stupides. Finalement, parmi nos concitoyens, qui sont ceux qui croit encore aux mythes du progrès technologique, de la croissance, du bonheur découlant de la technoscience.

Nos concitoyens pressentent parfaitement que notre civilisation va droit dans le mur, mais, ils ont peur du changement et ils se demandent ce qui va bien pouvoir remplacer cette civilisation qui aura été finalement bien plus destructrice que glorieuse. Il existe une véritable attente, de la part des Français, pour une nouvelle vision. Et qui, a part les écologistes indépendants, pour porter cette vision d'un monde où l'homme vivrait en harmonie avec sa biosphère GAÏA ?

L'utopie d'hier est l'ordinaire d'aujourd'hui. Le fait qu'une idée soit prématurée ne signifie pas qu'elle ne soit pas réalisable un jour futur. Dans notre civilisation, avoir l'esprit ouvert, c'est-à-dire sans préjugés, est assez rare, non pas parce que l'intelligence en est absente, mais par conformisme socio-psychologique qui veut que l'on soit en accord avec la majorité, faute de quoi on risque de subir l'exclusion du groupe.

Les civilisations sont mortelles, elles aussi, et la nôtre se meurt, pendant que la nouvelle est déjà en gestation au sein même de l'actuelle.


Et pendant ce temps-là, notre monde présente une face de plus en plus uniforme, internationalisée par l'économie, les sciences, les mass-médias et les toutes puissantes transnationales qui règnent en despotes quasi-absolus et pour lesquelles tout est permis.

 

L'histoire de l'humanité sur Terre nous a appris que c'est toujours un petit nombre qui met en doute le schéma mental établi comme dogme absolu, qui ose proposer ce que d'autres - par ignorance et par peurs de toutes sortes, peur du ridicule et de l'exclusion entre autres - n'oseront jamais.

 

Certains m'ont reproché, à propos de ma motion d'orientation, de tenter de vouloir faire une alliance avec d'autres partis politique. Entendons-nous bien, ces alliances, si elles se concrétisent, n'ont qu'un seul but, montrer aux citoyens français qu'il existe une véritable opposition à l'idéologie économique, au néo-libéralisme. Cette plate-forme d'opposition redonnera, sans doute, aux Français, écoeuré par la politique politicienne, l'envie de s'impliquer, de participer et de voter à nouveau. Rappelez-vous le taux d'abstention aux européennes. Constatons le désintérêt, de façon générale, des Français pour la politique. Pourquoi ? Parce que sous le vernis d'une démocratie représentative, nous avons bien à faire à une dictature des marchés dont le pouvoir se concentre dans des organisations comme la Trilatérale, l'OMC, le FMI, ou encore, pour la France en particulier, Le Siècle -- une association d'à peu près 600 membres issus de tous horizons politiques, d'hommes d'affaires et de hauts fonctionnaires.

 

L'écologie politique ce doit de mettre au pas les commerçants-financiers nihilisme et cynique. Ce n'est assurément pas à la politique de se soumettre à la loi des marchés. Cette loi qui n'a bien entendu rien d'une loi mais est simplement une invention des marchands. Il s'agit bien de renverser l'ordre des choses. Certes, les hommes continueront à produire, à échanger et à consommer mais, la politique qui est l'art de gérer la cité se doit de reprendre ses lettres de noblesse.

 

Mais pourquoi Marc Jutier président ?

 

Certes, je n'existe pas politiquement. Mais est-ce plus un inconvénient qu'un avantage? J'ai tout de même trente-sept ans, je viens de publier un livre, je travaille actuellement sur un documentaire et je crois que je ne suis pas un trop mauvais négociateur.

 

L'intérêt, pour le MEI, d'avoir un président qui ne soit pas Antoine est de donner une image de pluralité -- le MEI n'est pas seulement le parti d'Antoine mais bien le parti de la véritable écologie politique d'une véritable alternative à la pensée de marché. C'est aussi pour cette raison qu'il nous faut huit personnes à égalité devant les médias. Bref, si nous réussissons à mettre d'accord une équipe de 12 personnes (le bureau) dont huit porte-paroles tous polarisé dans la même direction alors, comme un faisceau de lumière cohérente, notre efficacité pourra démonter l'idéologie dominante. Et nous parviendrons à la majorité culturelle dont nous rêvons tous.

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Vive l'écologie politique.

 

Je vous remercie de votre attention.                                   MARC JUTIER